Littéralement parqué au nord-ouest de la capitale dans son verdoyant square des Batignolles, le bobo du dix-septième est une espèce en voie de disparition : il faut bien le reconnaître, il se fait de plus en plus rare. Menacé par la gauche caviar (branche cousine, mais bien distincte du bobo) et par la bourgeoisie bécébège (toute Burberry chanelisée), le Bobotignollais -qui maintient une dangereuse proximité avec la luxueuse avenue de Villiers, le très snob boulevard Malesherbes, le fief de Sarko et les Champs-Elysées-, se sent de plus en plus oppressé. Son habitat traditionnel se voit grignoté de jour en jour, le contraignant alors à l’exil. Repoussé aux confins de l’avenue de Clichy, ou de la Porte d’Asnières, il continue cependant de résister vaillamment.
Il faut se rendre à l’évidence : à l’échelle locale, les Bobotignolles constituent bel et bien l’un des derniers parcs à bobos de l’ouest parisien, un espace de regroupement pour cette ethnie à la survie précaire. Qu’en sera-t-il d’ici quelques années ? Nul ne le sait.
Pour le moment, l’ami bobotignollais déambule encore nonchalamment en famille. Un coup d’œil circulaire nous rassure quelque peu: comme l’atteste le troupeau de bébébobos en poussettes (trois roues), le lieu reste propice à la reproduction de cette espèce protégée.
Créé en 1862 par Jean-Charles Alphand (secondé par l'ingénieur Jean Darcel, l'architecte Gabriel Davioud et l'horticulteur Jean-Pierre Barillet-Deschamps), le square des Batignolles est un petit havre de paix de 16 615 m², dessiné sur le modèle des jardins à l'anglaise. Cet intéressant microcosme, ce mini Boboland à deux pas du Sarkoland de Neuilly s’avère un fascinant laboratoire d’étude.
Pour mieux comprendre les us et coutumes du Bobotignollais, une petite virée dans le parc s’impose donc.
La chance est avec nous : en cette période de l’année, les allées regorgent de spécimens. Je m’approche sans faire de bruit, pour ne pas les effrayer...